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France-Israël : l’enjeu sportif du match de football éclipsé par le contexte politique et sécuritaire

Dix-sept mois après leur dernier match au Stade de France, contre la Grèce en juin 2023, les Bleus vont retrouver l’enceinte dionysienne dans « un contexte pesant et tendu », selon les mots de Didier Deschamps. Le sélectionneur de l’équipe de France aurait souhaité meilleur accueil, jeudi 14 novembre, pour ses joueurs qui n’ont besoin que d’un point pour obtenir leur qualification pour les quarts de finale de la Ligue des nations. A la place, c’est un stade aux allures de bunker dans lequel ils vont évoluer face à l’équipe d’Israël.
Cette rencontre, qui suscite depuis plusieurs semaines de nombreux débats sur son maintien et des craintes sur son déroulement, a été classée à très haut risque (cinq sur une échelle de cinq) par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme. Des mesures drastiques ont été prises pour garantir la sécurité qui feront certainement passer l’aspect sportif au second plan jeudi.
Tout au long de la soirée – le coup d’envoi sera donné à 20 heures 45 – 4 000 membres des forces de l’ordre seront mobilisés aux abords de l’enceinte et dans la capitale. Aux abords du stade, un double périmètre de sécurité va être mis en place pour filtrer au mieux le public. Dans les tribunes, les sept premiers rangs de l’ensemble du stade seront condamnés.
Pour éviter toute intrusion sur la pelouse et une quelconque perturbation de la rencontre, des grilles ont été installées au pied de toutes les tribunes, comme lors de la finale de la Coupe de France en 2023, entre Nantes et Toulouse. Ces mêmes grilles n’avaient été placées qu’au pied des virages à l’occasion de la finale de la même compétition, en 2016, entre l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain.
Pour les principaux acteurs de cette rencontre, il est quasiment impossible de ne pas penser au contexte dans lequel celle-ci se déroulera. « On fait en sorte de préparer ce match le plus normalement possible (…) pour que ça reste un match de football », a souligné Didier Deschamps, mercredi, en conférence de presse.
Interrogés sur la signification d’affronter Israël dans ces conditions, trois des joueurs de l’équipe de France ne se sont guère épanchés sur le sujet, basculant rapidement sur l’enjeu sportif. N’Golo Kanté, qui sera capitaine jeudi en l’absence de Kylian Mbappé, a exprimé sa « peine » et Lucas Chevalier sa « compassion » quant à la situation actuelle au Proche-Orient. Dayot Upamecano a émis le souhait, au nom de l’ensemble des Bleus, d’obtenir la « paix ».
Le défenseur du Bayern Munich a en revanche déclaré ne pas avoir entendu parler des événements qui se sont déroulés à Amsterdam dans la nuit du 7 au 8 novembre. Plusieurs supporteurs du Maccabi Tel-Aviv avaient été agressés dans la capitale néerlandaise après un match de Ligue Europa contre l’Ajax.
Ces événements ont évidemment marqué les joueurs de la sélection israélienne, dont sept évoluent pour le Maccabi Tel-Aviv. Comme la situation au Proche-Orient, depuis les attaques du 7-Octobre. Oscar Gloukh, talentueux milieu de 20 ans, et Idan Nachmias, défenseur central de 27 ans, ont perdu des proches lors de l’offensive menée par leur pays dans la bande de Gaza – qui a fait plus de 41 000 morts côté palestinien selon le bilan des autorités de santé de l’enclave. « Ce sont des choses dont on doit se souvenir au quotidien, c’est la réalité de nos amis et de nos proches », a confié Eli Dasa, le capitaine de l’équipe d’Israël, mercredi.
Lors du dernier rassemblement, à leur arrivée à Budapest (Hongrie) où ils disputent tous leurs matchs « à domicile » depuis plus d’un an, les joueurs israéliens avaient organisé une cérémonie pour rendre hommage aux victimes de l’Etat hébreu lors des conflits menés à Gaza et au Liban.
A l’occasion de la conférence de presse de veille de match, Eli Dasa a tenu « à remercier le gouvernement français pour l’accueil et la sécurité » dont disposent les 26 joueurs de la sélection israélienne. Sitôt arrivés sur le territoire français, lundi, ils se sont rendus dans leur hôtel dont le nom n’a pas été dévoilé.
Mardi matin, ils ont participé à un entraînement sur un terrain du Val-d’Oise, dont la localisation n’est pas connue, et sous haute sécurité : des forces de l’ordre et un hélicoptère de la gendarmerie nationale sécurisaient le périmètre. Le point presse qui devait se tenir dans la foulée a été annulé, à la demande des autorités locales.
Des déclarations en français d’Ethane Azoulay, un international israélien de 22 ans né à Paris, ont été transmises aux médias. « On se concentre sur le match. On ne pense qu’au football, pas trop à ce qu’il y a autour », confiait le joueur du Maccabi Haïfa. « J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai entre mes mains », déclarait de son côté Ran Ben Shimon, mercredi.
Le sélectionneur sait son équipe déjà quasiment condamnée à la relégation en Ligue des nations, puisqu’elle a perdu ses quatre premiers matchs dans la phase de groupes, dont le match aller contre les Bleus, à Budapest, en octobre (1-4). Mais il espère pouvoir réaliser un exploit, en dépit du contexte. « C’est difficile de recevoir des mauvaises nouvelles du pays parce que ça nous affecte. Mais la vraie difficulté, elle est pour les soldats qui se battent en Israël afin d’apporter la paix. Nous, on se bat pour apporter un peu de douceur aux gens qui se trouvent au pays », a ajouté Ran Ben Shimon.
Ses joueurs devraient être soutenus par une centaine de supporteurs israéliens, qui occuperont le parcage visiteurs du Stade de France. Le gouvernement hébreu a recommandé à ses ressortissants de ne pas assister à cette rencontre, redoutant des événements similaires à ceux d’Amsterdam. Le dispositif sécuritaire mis en place pour cette rencontre doit empêcher tout incident et permettre aux acteurs de se concentrer, enfin, sur le terrain.
Le record de la plus faible affluence pour un match de l’équipe de France – hors période Covid-19 – va être battu lors de ce France-Israël. Jusque-là, il était de 36 842 spectateurs lors d’un match de la Coupe des confédérations contre la Nouvelle-Zélande, en juin 2003. « Cela est dû à la crainte d’un certain nombre de spectateurs qui, je pense, ont été dissuadés par le contexte anxiogène », a expliqué Philippe Diallo, le président de la Fédération française de football (FFF), au Parisien.
« Plus de 25 000 billets ont été vendus », a annoncé Gil Avérous, le ministre des sports, mercredi, sur Europe 1. Un chiffre loin de la réalité, selon une source au sein de la FFF, qui évoque le nombre de 16 000 spectateurs, tout en insistant sur le fait que de nombreuses personnes invitées pour l’occasion ne vont pas se rendre au match en raison du contexte sécuritaire.
Gil Avérous sera présent dans les tribunes du Stade de France pour cette rencontre, à l’instar du président de la République, Emmanuel Macron, du premier ministre, Michel Barnier, du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, ou encore des anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande. « Il y aura plein de [personnalités] politiques au match, sans doute beaucoup plus qu’il n’y en a d’habitude », a confirmé Philippe Diallo.
Denis Ménétrier
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